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7 nov. 2015 - 21:36

RÉÉCRITURE

Le principe est simple : on propose un texte court aux participants, qui disposent d'un temps limité pour le réécrire à l'aide de synonymes, périphrases, etc. Il peut s'agir de textes plus ou moins célèbres, ou de passages piochés dans les bibliothèques, à vous de voir !

L'original de « Sweet Baby », écrit par Lilith (extrait)

Lorsque j’arrive au cimetière du village, il est déjà là. Il m’attend. La tête toujours baissée je m’avance vers lui. Soumise. Il me regarde comme il l’a toujours fait. Avec ses yeux colère qui semblent fouiller sous ma peau, chercher la bande de chair qui me fera le plus mal. Je m’arrête devant lui et lui tend mes bras, paumes tournées vers le ciel. La marque des lanières est bien visible sur la courbe tendre et blanche de mes avant-bras. Je frémis en entendant le sifflement de sa ceinture dans les passants de son jean. Je frémis d’envie et de douleur anticipée. Mes yeux n’osent pas se relever vers lui. Et c’est en fouillant le sol du regard que je comprends. « My sweet little girl » me murmure-t-il en se penchant vers moi. Sa main se pose sur mon épaule, délicatement, comme un oiseau craintif. Il arme son autre bras. Alors je relève la nuque, juste assez pour lire l’inscription de la tombe sur laquelle nous nous tenons. Et c’est son nom que je lis. Le poids de sa présence s’envole. La nuit m’enveloppe comme une couverture bienveillante. Je m’y assois, je m’y fonds, mes pieds nus dans la terre meuble du cimetière. Adossée à la sépulture de mon père, j’apprends à le laisser partir. J’apprends à laisser partir ses étreintes douloureuses et la morsure de son amour. Du bout des lèvres j’embrasse la pierre tombale. Elle a le goût des regrets et de l’avenir. Un goût d’incertain qui me trouble. Le soleil commence à poindre timidement dans mon dos. Il est temps de partir. Je jette un dernier regard au fantôme qui m’observe. Sa ceinture pend lamentablement contre son flanc, il a l’air désabusé et perdu. Il est temps de partir et je tourne les talons.


La variation de Chikoun :

La colère qui pend aux tripes et défouraille, blanche et visqueuse ; plaie ouverte sur des poumons, des mots perdus, au souffle gourd, le pus d'amour. Dans le cimetière il me fait la course, flirte avec mon esprit, mes souvenirs montés sur ressors. Et j'atterris, face contre tombe, fesses contre lui, ses désirs sombres. Jack'in the box, for his sweet little girl. J'entends sa voix, qui jaillit de derrière une porte, un caveau de mon cerveau et mon amnésie en pardon. Je minimise et j'apprivoise. Il ne partira pas, à moi d'en sortir, les pieds dessous la tête.


La variation de D.A. :

Je passe l'entrée du cimetière de la ville et je l'aperçois. Il patiente. Je le rejoins en regardant le sol, intimidée. Il m'observe de la même manière que d'habitude. Cette colère qu'il a dans les yeux semble redessiner mes contours, sonder ce que je suis pour en découvrir les failles les plus douloureuses. Arrivée à sa hauteur, je me stoppe et j'écarte les bras, paumes levées vers le ciel noir. De larges bandes rouges scindent mes poignets et ma peau jusqu'aux coudes. Je commence à trembler en percevant le son sévère de sa ceinture qui glisse. Je crois que je veux cette brûlure sur moi au moins autant que je la crains. Je garde les yeux baissés et j'observe la terre meuble sous mes pieds. Une vérité s'éveille imperceptiblement en moi. Je le sens qui se penche vers mon visage en murmurant « My sweet, sweet baby ».
Il pose une main sur mon épaule. Ce contact me surprend par sa douceur. Son autre bras se lève dans les airs. Je me redresse pour regarder la stèle sur laquelle nous marchons, puis ses yeux durs. C'était son nom dessus. Il s'évapore soudain comme un mirage. Il n'y a d'un coup plus que la nuit pour me parler. Soulagée, remuée, privée, je m'allonge sur la terre gorgée de pluie au milieu des tombes fraîches. Son nom peut me quitter maintenant. Je peux laisser s'en aller dans les faibles lueurs de l'aube les baisers de souffrance et les horreurs de son emprise. Je roule et me love contre la tombe pour l'embrasser, y passant une langue amoureuse. J'y sens la noirceur du personnage et les peut-être qu'il n'a jamais dit à voix haute. La lumière du jour s'éveille derrière moi. Je dois partir d'ici.


Et la variation de Lepzulnag :

Lorsque mes pas me mènent au cimetière du village, il est déjà là. Il savait que j'allais venir ; il n'était là que pour moi. Ses yeux me scrutent comme ils l'ont toujours fait. Avec cette colère, cette violence, qui s'insinue jusque sous ma peau à la recherche de la parcelle de chair la plus douce, la plus fragile. Les sillons de mes blessures traversent en lignes sombres la blancheur de mes avant-bras. Le frottement de la ceinture qu'il retire de son pantalon me fait frissonner. J'attends mon supplice avec avidité, sans risquer de le regarder. C'est en observant le sol que je comprends. Sa paluche sur mon épaule, étonnamment fébrile et légère, il me susurre à l'oreille : « My tiny lovely woman ! » Il se prépare à frapper.


J'espère que Lilith en sera contente !


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Message posté le 22:26 - 7 nov. 2015

TROU NOIR
Participants : Chikoun, D.A., gaba, Lepzulnag

Le début et la fin ont été piochés dans Brainless, un roman de Jérôme Noirez.
Comme vous pouvez le constater, nous avons bien déliré.


Début : « Le docteur a expliqué à ma mère, qui à présent buvait ses paroles, que je pourrais reprendre une vie normale, faire ma rentrée au lycée, participer aux activités culturelles et sportives... »

J'étais impatient de retrouver Mary et les autres. Il faudrait bien sûr leur expliquer quelques trucs, que je n'étais pas contagieux et qu'ils ne risquaient rien. À part choper deux-trois maladies s'ils m'embrassaient, me faisaient l'amour, échangeaient leur sang avec le mien, ou même me touchaient. En réalité, il y a peut-être deux ou trois choses sur lesquelles je ferais bien l'impasse. Ne serait-ce que pour Cathy. Sans ça, je n'aurais pas vraiment une "vie normale", après tout. Il faudra juste que j'évite de la griffer comme la dernière fois. En fait, il ne va pas se passer grand chose d'important pour le reste de... mon existence. Pas d'amour, pas d'enfants, pas de reproduction, pas même de séduction par les politiciens : je ne suis techniquement plus électeur. Ou alors, il faut que me trouve une compagne zombie. Mais c'est mal parti : les zombies ne courent pas les rues dans la petite ville de campagne où je suis. Mais il y a Cathy. Cathy. Et si elle devenait zombie elle aussi ? Si, justement, je la griffais à nouveau ? Elle comprendrait alors ma situation. Mieux encore, elle saurait me donner des conseils de maquillage pour cacher ma peau. Pendant que ma mère glousse comme une dinde aux blagues du docteur, je sors mon téléphone pour écrire à Cathy : « Hey, devine ce qui m'est arrivé ! » Elle a l'esprit ouvert, il y a peut-être même une chance que la situation lui plaise.
Le médecin me tend l'ordonnance pour mes injections de formol. C'est le côté un peu contraignant de la situation : les injections, les visites médicales régulières, la vie cadrée par les « gens sains » qui veulent se protéger. Tout serait plus facile, si ils devenaient comme nous. La poche de mon jean émet un gazouillis : « Vas-y, raconte ? »
Je sèche pour la réponse, comment lui dire ? Le texto n'est pas une bonne idée finalement. Oui, je vais lui dire en face. « J'arrive chez toi dans 5 min » Non... Mauvaise idée. Mais qu'est ce qui me prend ? Je crois que ce dont le docteur parlait a déjà commencé. La dégénérescence du cerveau. Je devrais aller chez le boucher me refaire une santé d'abord. Non. Après je vais sentir. Et puis, si je me nourris maintenant, jamais je n'aurai assez faim pour la faire devenir comme moi. Il faudrait que je puisse la dévorer. Elle aimera sûrement ça, il faut que j'aille la voir maintenant. Oui, il faut... il faut que je la morde... que je morde les gens... ils doivent tous devenir zombie, c'est la solution.
Le professeur sort du cabinet avec ma mère. En voyant mon état il dit simplement : « N'oubliez pas le traitement inhibiteur, pour éviter les crises. Avec ça il aura un comportement normal. »
- JE SUIS NORMAL ! m'écrié-je. Ils m'énervent et me donnent faim. Je sors en claquant la porte derrière moi. J'ai de plus en plus envie de voir Cathy. Elle me fait me sentir normal. Bien sûr, elle ne sait pas encore ce qui m'arrive, mais je suis sûre qu'elle sera compréhensive. Peut-être même qu'elle me laisserait... Non, je déraille. Mais je ne me sens pas anormal ! Pas avec elle en tous cas... Je suis content de ce qui m'arrive, d'avoir encore une chance !
J'ai pris ma décision, je vais la voir de ce pas. Je prends quand même une pilule d'inhibiteur, j'ai besoin d'avoir les idées claires pour lui expliquer. Je me retrouve rapidement devant sa porte, le doigt effleurant la sonnette.
Elle ouvre la porte, affiche un air réjoui et veut me faire la bise, mais je l'esquive. Avec un sourire désolé, je lui propose de monter jusqu'à sa chambre. Sa mère nous regarde passer avec inquiétude. Elle a toujours peur qu'il se passe des choses douteuses sous son toit. Je crois que l'idée de sa fille au lit avec un loser comme moi la dérange profondément.
Elle m'énerve, à me regarder comme ça. Je pensais que la pilule inhibiteur aurait déjà fait effet, mais je sens la faim revenir. Sans que je m'en rende compte, mes dents se plantent dans le bras de sa mère.
« Ah non ! » crie-t-elle avant de me donner une claque. Elle examine la morsure : « Regarde-moi ça, heureusement que je suis vaccinée. Il va falloir que tu te contrôles mon p'tit gars, j'ai pas envie que tout le quartier devienne fou. »
Ah, comme je m'en veux ! Je suis vraiment un gros loser. Cathy me prend par la main et m'emmène rapidement dans sa chambre ; elle a sûrement deviné. Depuis mon accident, j'ai eu des réactions étranges. Et puis reprendre conscience à la morgue n'a rien d'anodin, quand on y pense deux secondes.
Je me laisse tomber sur son lit de fatigue. Tout à coup, je me rappelle. La morgue, les docteurs qui essayaient de recoller les morceaux. Ma verge et mon orteil, tombés sur le plateau. Pris de panique, je m'enfuis dans les escaliers. Elle me rattrape bien vite, je ne sais pas comment d'ailleurs. Et là, elle me retourne tout simplement, et me dit : « Écoutes, ne panique pas ! Je sais que c'est nouveau tout ça pour toi, mais tu vas voir, on s'y fait. »
Devant mon regard éberlué, elle me dit simplement : « Quoi, tu croyais être le seul ? Avec ton médecin qui connait le bon traitement ? »
« Cathy, il faut que je te dise... Notre amour est impossible... Ma verge a chu. »
Je dois avoir l'air d'un gosse désespéré. Cathy prend une de mes mains. Mon aveu ne l'a même pas fait ciller.
« Il me manque quelques trucs, à moi aussi... Mais on en parlera tout à l'heure. »
Je n'arrive pas à croire à quel point j'aime cette fille. Même s'il lui manque des trucs, et à moi aussi : on fera avec. J'envisage dans ma tête les possibilités.

Fin : « Je suis un mort-vivant. Je suis un zombie. Et fier de l'être. »


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